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Contes, Nouvelles et Romans...

 

Histoires d'hier et d'aujourd'hui…
Jean Bruyat, sous sa plume sensible nous emmène dans le sillage des mots,
à l'écoute du temps, là où la mémoire funambule, là où nous retrouvons nos racines ou notre enfance.
Il était une fois …

 


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LA MAISON AUX VOLETS BLEUS - JEAN BRUYAT

200 pages au format 15x21, dos carré collé, couverture quadripelliculée,
Editions GAP. (2006)

Ce roman retrace un épisode pendant lequel les salariés d'une usine,
menacés de licenciement, s'unissent et finissent par créer leur propre coopérative
face à la multinationale qui les employait.

La "Société Ouvrière Coopérative Camox" naît peu à peu malgré les intérêts particuliers,
les personnalités ou les idéologies affirmées, voire divergentes, des uns et des autres.

C'est donc un itinéraire, un espace où les valeurs traditionnelles de relation à l'autre, de solidarité, d'humanisme et d'utopie partagée, auront l'opportunité de sourdre lors de nombreuses situations mettant en scène des personnages très campés…

                                                                                            __________________________________________

notes de lecture :   

                     

            *"Jean Bruyat noue une intrigue en sachant évoquer son climat. Les noms désignent les êtres et  les choses du monde,  les  adjectifs les  qualifient avec  délicatesse et , à l'occasion , sens du  mystère.
D'où le charme peut-être de cette écriture  proustienne...

L'auteur est aussi un écrivain d'une  rare qualité".

                Jean Moreau  (chronique "lu pour vous" de la revue  de la Fédération des Délégués de l'Education Nationale N° 214 de mars 2008)

   
       
             * "La maison aux volets bleus". Cette maison est celle de l'enfance, de la chaleur humaine, de la nostalgie.  Cet ouvrage est un hymne à l'amour, à l'amitié où transparaît l'humanisme à fleur de peau..."

                 Max Blanchard (SMH mensuel n° 292 de février 2007)


Extraits

" …Tout se taisait, même le silence. Les arbres se faisaient plus clairs et la fraîcheur laissait peu à peu sa place à une chaleur étouffante, certes, mais toujours onctueuse et moite. Le canal lui aussi participait de son mieux au changement de décors en passant de l'état de venelle à celui d'une presque avenue, majestueuse, ponctuée ça et là de nénuphars blancs véritables promontoires à grenouilles en quête de soleil. A encore quelques centaines de mètres se découpaient à contre-jour, des taches plus sombres, éléments matériels apportés par la civilisation qui arrachèrent définitivement les deux hommes à leur rêverie passagère. Le port était en vue. "


" …Nanou, tout en fixant le jeune homme au plus profond des yeux, était en train de déboutonner le haut de son caraco. Les mailles fines lentement s'entrouvraient et dévoilaient une peau satinée et fraîchement ambrée au soleil passant du marais. Elles révélèrent bientôt le liseré bleu ciel d'un soutien-gorge qui libéra, entre chair et surprise, une chaussette d'homme. L'intruse au parfum indiscret laissa émerger de leur geôle douillette deux panthères roses tout de gris vêtues, à la plus grande joie de l'assistance. "


" …Leurs successeurs tentent toujours et reconnaissons le, la plupart du temps avec talent, de répandre cette foi inébranlable en l'enfant, citoyen de demain. Quoi de plus noble, de plus vrai, de plus passionnant que de participer à forger, à façonner un être en devenir. La difficulté majeure, dans une telle entreprise consiste à ne pas projeter sa propre image pour que l'enfant s'approprie, par mimétisme béat, le modèle proposé. Il faut le guider avec suffisamment de doigté et de patience pour qu'il trace lui même sa voie, en partant de ses propres expériences. Qu'il se définisse, qu'il se révèle, passant de l'esquisse à une forme plus élaborée, par touches successives, affinant, corrigeant, soulignant, gommant, s'intégrant dans ce tableau en perpétuel mouvement qu'est la vie. "


" …Cette maison avait une âme et elle le savait. Elle la cultivait. Cela se sentait à peine le seuil franchi. Elle appartenait à ces choses que l'on respire en fermant les yeux. Celles que l'on savoure en silence et qui nous ouvrent l'esprit à la communication avec la vie lente et imperturbable de la matière. Les lignes de forces qui en résultent, dégagent des vibrations si particulières qu'elles nous transportent jusqu'aux frontières de l'irréel, à la limite du spirituel. C'est là, sans doute, que convergent toutes les voies internes qui participent à la construction, à la richesse, à la grandeur de tout être. "


" …C'est con, mais quand je passe vers Sète, je vais lui dire un petit bonjour...Tiens, ça me fait penser à un truc drôle. La dernière fois, j'avais récupéré une pâquerette avant d'arriver au Py et j'avais bien entendu, l'intention de la lu offrir, tout simplement...Tu vois la scène... Je la dépose, toute blanche et jaune sur le noir du marbre. Je reste quelques instants, le temps de penser très fort qu'il avait exagéré en nous faussant compagnie. Au moment de repartir, tu me croiras pas. Un coup de vent fripon, comme il aurait dit, fait envoler la belle qui, sautant à cloche tombe, vient se poser, à deux allées de là. Elle gisait sur le caveau ventru d'une " jeunesse " arrêtée dans son trente deuxième printemps. Là, je te le donne en mille, à en croire l'épitaphe, elle s'appelait de son vrai nom Séraphine de Taumerpie, sœur Bénédicte de son vivant. Je n'ai pas pu m'empêcher de sourire au bonheur posthume de ce coquin de Georges. Même dans l'au-delà, il est toujours aussi farceur. Détrousser la bure, jouer à saute cornette… "


" …Ses doigts saisirent l'écumoire suspendue à la barre ceinturant le fourneau dans sa partie supérieure. L'ustensile, aussitôt trempé dans le mélange chauffé fut porté à hauteur de la bouche…et à, le miracle se produisit. Le souffle court, passant au travers du disque troué, fit naître une quantité inimaginable de petites bulles. Pierre, éberlué, regardait toujours.

- Tu vois, maintenant, mon sirop transpire…C'est le moment de plonger mes bâtons…Quand ils en seront, eux aussi, recouverts, je les mettrai à sécher. Ils prendront leur habit du dimanche à la toile fine et brillante du sucre glace. Et après mon Pierrot ! On va se régaler ! "


" …Lorsque, des bruits de pas précipités résonnèrent. Mado, sous bonne escorte, pénétrait dans le hall. La jeune femme, avançait, encadrée par les gendarmes Croze et Meursault. Derrière, à quelques mètres, le chef Latreille, le képi rejeté sur le haut du crâne, tentait désespérément de rejoindre le trio de tête. Ses jambes trop courtes déployaient toute leur énergie. Elles devaient convaincre ce corps trop lourd à les suivre tout en synchronisant, en même temps, le passage de la bedaine tantôt d'un côté, tantôt de l'autre. Sa panse respectait bien le rythme. Alternative, elle marchait parfaitement au pas…" Onne, dé …Onne, dé… " Préserver sa dignité de chef en pareils moments relevait effectivement de la prouesse. Il sentait, de plus, les regards inquisiteurs des personnalités siégeant à la tribune peser de tout leur poids sur sa personne. Cette impression, bien que très subjective, le rendait encore plus lourd. Pourtant, le responsable du groupe, c'était bien lui. Le garant de la mission accomplie, ce ne pouvait pas être quelqu'un d'autre. L'indispensable sans lequel rien ne peut se faire dans les normes, dans le respect de la règle… Le supérieur hiérarchique digne de confiance… Le zélé serviteur…"


" …Nous sommes tous concernés… Peu importe la chapelle. Peu importe l'idéologie. Peu importe les notions de gauche ou de droite. Peu importe le passé et ses erreurs. Nous devons nous tourner résolument vers l'avenir. Nous devons, ensemble, construire demain. Ayons le courage de dépasser nos différences. Ayons le courage de tisser nos diversités. Ayons le courage d'en faire la force qui va nous unir par-delà nos difficultés du moment… Oui, mes amis, mes camarades, regardons vers demain, construisons… Nous sommes des bâtisseurs. érigeons l'utopie en dogme. Instituons de façon permanente la rencontre avec l'autre. Vivons au grand jour avec le différent, celui que nous ne connaissons pas, celui dont nous nous méfions, celui qui ne pense pas tout à fait comme nous. Créons une relation de confiance avec lui. Là, sera notre richesse… Une richesse, que dis-je, un capital qui ne sera pas coté en bourse, mais qui sera une valeur sûre, inaliénable… Si notre avenir passe par la création d'une coopérative indépendante, eh bien ! Je vous le dis, créons la tous ensemble, et ce, dès aujourd'hui ! Oui, mes amis, osons, faisons confiance à la vie…Créons cette coopérative !… "


" …L'enfance est un univers que l'on traverse malheureusement trop vite, sans véritablement s'en rendre compte et sans en apprécier tous les bienfaits. Lorsqu'on a la possibilité de se retourner sur cet état où demain s'est construit entre rêves et certitudes, c'est parfois trop tard. On s'est laissé piéger au jeu de la miniaturisation de cet individu en devenir. L'enfant apparaît souvent comme un être de passage, dans le but de donner quelqu'un de normé, formaté pour des besoins extérieurs dominants. Pourtant il a inscrit dans sa mémoire et pendant relativement peu d'années, des choses, au demeurant, ineffaçables…"


" …Nouvelle explosion de joie, puis les cris cessèrent pour laisser place à des paroles parfaitement audibles. La voix chaude de Marcel montait. " J'aimerai toujours le temps des cerises. C'est de ce temps là que je garde au cœur une plaie ouverte. Et dame fortune, en m'étant offerte, ne saura jamais calmer ma douleur, j'aimerai toujours le temps des cerises et le souvenir que je garde au cœur…"


" Qu'est-ce que tu nous chantes là, avec ta douleur ? " ne put s'empêcher de faire remarquer le père Sigolet.

- Mon cher abbé, sauf le respect que je te dois, ces paroles sont celles d'un chant révolutionnaire écrit à un moment crucial et vachement important, quoiqu'on en dise, de notre histoire. La Commune de Paris…Ma douleur, tu vois curé, c'est de ne pas avoir su imaginer plus tôt la création d'une "scoop" au service exclusif des ouvriers, et pas des patrons... La plaie que je garderai au coeur, c'est de ne pas avoir pu empêcher que le sang d'innocents coule, encore une fois, à cause d'un capitalisme à la con et de ses vautours…! Tu comprends ? Faut toujours mettre en face des mots, des explications justes, là où il faut ! C'est bien ce que tu fais quand tu prêches ! C'est bien ce que tu fais quand tu lis ton évangile, non ? "


" …Quelques poings serrés s'élevèrent, bras cassés. Des voix, ici ou là, libérèrent un refrain sur lequel les dernières péripéties avaient jeté un voile discret…" C'est la lutte finale… " Peu à peu, comme la houle venue du large, l'onde portée par seulement quelques choristes, gagna par vagues successives, toutes les poitrines. " J'en ai des frissons dans le dos " avoua Noëlà voix basse à Marcel qui, dans un recueillement quasi religieux, demeurait figé. Le regard sagace de Nanou débusqua même, à la commissure des lèvres du piqueux quelque chose qu'il s'empressa d'essuyer d'un revers de manche. Après une inspiration bruyante qui ne laissa aucun doute sur son niveau d'émotion, il s'adressa au prêtre.

- T'as vu curé ! Les travailleurs quand ils prient…D'abord, y s' mettent pas à genoux, y restent debout…Et puis, leurs mains sont pas jointes ! Mais, leur foi est grande, tu sais !

-Je sais piqueux ! La ferveur et la communion peuvent se rencontrer ailleurs que dans une église. La preuve ! Finalement, tous les deux, on n'est pas tant éloigné l'un de l'autre ! "


" …Tous ces ustensiles allaient être rangés sur les étagères à mémoire et attendre qu'un jour, quelqu'un leur rende un semblant d'existence.
La maisonnée d'autrefois reprenait ses droits. Les choses affirmaient peu à peu leur précellence sur les êtres. Des bouquets d'odeurs, hier encore oubliées, rattrapaient le temps, sous les saisons enfoui. Les bruits familiers qui, jusque là, s'étaient tus par respect ou par pudeur, envahissaient progressivement l'espace…Une vie peuplée du silence assourdissant des absents, peu à peu s'installait dans la maison aux volets bleus. "


       


                         


TOUTE REPRODUCTION, MEME PARTIELLE, INTERDITE SANS L'ACCORD ECRIT DE L'AUTEUR.
  

 


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