La clef du temps…
" …Cette histoire s'est passée, il y a fort longtemps, bien avant le
temps...du temps où à Plouguéven, petit village de la Bretagne
intérieure, vivait un doux vieillard à la barbe blanche, nommé
Guévénec.
Il habitait dans un vieux château, planté en haut d'une petite colline
qui protégeait depuis des siècles ce site merveilleux des terribles
vents d'ouest. Guévénec
était né un soir de pleine lune. On disait même, dans tout le pays, que
c'était le grand vent froid venu d'Ecosse qui l'avait déposé, au pied
d'un grand chêne, en plein coeur de la forêt de Penbioué. C'est
ainsi qu'il fut recueilli par les Fraouëts. Ces petits génies bossus
habillés de vert, portaient sur le sommet du crâne une coiffe aux
rebords mauves et frangés retombant largement sur leurs oreilles
velues.
Curieux personnages que ces Fraouëts... Ils vivaient à contre temps.
Ils ne sortaient que la nuit alors que tous les hommes dormaient. Nul
ne devait les apercevoir sous peine de disparaître à l'instant même... " Le sac de Benjamin…
" …Lors d'une de ses nombreuses escapades, Benjamin trouva, derrière la
chapelle de Saint Agustin, celle qui dresse son clocheton au-dessus des
branches torves des oliviers de Font Coverte, un sac de toile écrue.
Cette besace avait été oubliée là, sans doute, par un maraudeur de
lavande un peu trop pressé. Le sac pourtant vide pesa lourdement sur
ses frêles épaules lorsque Benjamin le passa en bandoulière. Quelques
jours après, afin de renouer avec une intelligence qu'il laissait un
peu trop en friche ces derniers temps, il se rendit à l'école. En
entrant, il posa négligemment son sac au-dessous du grand tableau noir
de Mademoiselle Baptistine, à droite de la chaire. Il faut dire que ce
sac lui servait le plus souvent de besace, parfois de gibecière, et
accessoirement, de cartable...
Si peu préoccupé par les textes de lecture qu'il devait revoir à la
maison, Benjamin en oublia son nouveau cartable au pied du tableau. Sa
surprise fut grande, le lendemain quand il constata que son sac avait
pris quelque embonpoint. -Té,
en voilà au moins un qui a profité du bon air de la classe...A croire
que les parfums du bouquet de lavandin que j'avais rapporté à la
maîtresse, lui ont fait gonfler les bajoues...! Quelle ne fut pas sa
stupeur quand il découvrit, à l'intérieur, dans un repli de la double
couture du fond, un tas de mots mélangés.
-Qu'est-ce qu'ils font ici, ceux-là ?...Il les contempla d'un oeil amusé... Je
dois t'avouer que ce pauvre Benjamin ne savait toujours pas lire,
malgré tous les efforts déployés par Mademoiselle. Il n'y avait qu'une
seule chose dans laquelle il excellait, c'était le jeu. Alors, il se
mit à jongler avec ces mots, les passant de sa main droite à sa main
gauche, comme il l'aurait fait avec des balles en mousse. Jouer avec
les mots, lui qui ne savait pas lire...
Jongler avec des inconnus, sauvages à sa mémoire qui se laissaient
faire, domptés, fascinés, trop heureux de virevolter, aériens dans
l'air frais du matin...hors de la vue des adultes… " La fée Mercuze…
"…C'était, il y a longtemps, du temps où les enfants étaient encore
invités à rêver en écoutant les histoires racontées à la veillée par
les anciens du village...
En ce temps là donc, à Montalieu, réunis autour de la grande cheminée
du château, un groupe de voisins et d'amis buvait les histoires
délicieuses que leur servait le père Roger, le dernier métayer du
Marquis. Chacun
prenait le temps. Le fait de vivre de cette façon, lui permettait de se
l'approprier, de le faire sien, de le posséder, en un mot, de le "
prendre ", pour le mieux garder. Bercé par la mélodie des mots et
la tendre chaleur de l'âtre, Francis, un garçon de ton âge, sombrait
peu à peu dans une douce somnolence.
Elle était ponctuée par de brefs soubresauts chaque fois que sa tête
mettait en péril son fragile équilibre. Son père lui avait permis, en
effet, de se nicher sur le légumier, à droite de la cheminée. De temps
en temps, un oeil mi-clos, encore tout embrumé des délices d'une courte
nuit, s'ouvrait. Le regard qui perçait sous les paupières lourdes était
aussitôt illuminé par les flammes et la quiétude extraordinaire que
dégageait l'assemblée, suspendue aux lèvres gourmandes de Roger… "
L'aspirateur…
" …Pour une fois que Patricia avait la permission officielle, mais non
avouée, de se venger de toutes les taquineries de son frère, elle ne se
le fit pas dire deux fois ...Paf !, le coup partit. Un direct qu'elle
n'eut même pas le temps d'analyser tant il fut rapide, précis, du plus
pur style, digne du grand Cassius lui même...La pauvre balle ne put
résister à un tel mauvais traitement.
Elle éclata, répandant sur le visage stupéfait et ahuri de Jacky, une
quantité impressionnante de plâtre blanc ...! -Vite
! Au lieu de rigoler, sotte que tu es, file donc chercher une
serpillière ! Quant à moi, avec le nouvel aspirateur que papa bricolait
l'autre soir, je vais enlever le plus gros de cette maudite poudre.
Maman ne s'apercevra de rien. Les deux enfants se mirent donc au travail, le temps de rassembler le matériel nécessaire. -Branche
cet aspirateur et dirige le tuyau vers moi pendant que je me secoue...
Allez, mieux que ça ! Ah ! Ces filles qui ont peur de faire le ménage !
Augmente la puissance, ça ne part pas ! Le moteur de l'aspirateur
s'emballa brusquement dans un bruit de tonnerre, déclenchant un
épouvantable tourbillon. Une véritable tornade avala l'infortuné Jacky
sans qu'il puisse tenter le moindre geste de salut, aussi facilement
qu'une vulgaire miette enfarinée… "
Notes de lectures : " …Je vous
en félicite. J'espère que vous continuerez dans cette
voie. Les enfants vous en remercieront "
Pierre
Magnan, écrivain.
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" …je ne
suis pas insensible à votre entreprise d'écriture
et vous souhaite vivement de la poursuivre…le sac de Benjamin,
quelle belle idée ! "
René
Thibaud, (Editions Gaspard nocturne)
............................................................ "...Jean Bruyat s'adresse directement au lecteur. La dimension de l'oralité est bien présente, foisonnante d'images..."
Vincent Wales (Dauphiné Libéré janvier 2000)
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à propos de la clef du temps ...
*La Bretagne, terre de légendes et de contes. Celui-ci est très
beau. Ecriture poétique.
*Superbe écrit que la clé du temps. Un beau voyage et un
excellent moment de lecture.
*Allégorie du temps dans le pays Breton ! Belle structure dans le
portrait !
*Très beau thème, très beau conte, la clef du temps... quelle belle
imagination !
*Un très joli conte dans la plus pure tradition celtique où les
Fraouëts doivent être les amis des Korrigans et autres Farfadets !
*Une histoire toute jolie et poétique, avec une première
description très réussie. J'ai aimé le charme, la mélancolie et cette
magie des
mots.
*Un merveilleux conte, dont j'ai aimé la lecture.
a Bretagne, terre de légendes et de contes. Celui-ci est très
beau, l’écriture poétique.
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