" …C'était tout juste hier. Le feu crépitait dans la haute cheminée
au-dessus de laquelle, suspendu à une crémaillère noircie par les ans,
un chaudron de cuivre mat ronronnait paisiblement tel un gros chat au
pelage roux moiré de jaune.
De multiples langues fourrées d'un soleil radieux dévoraient dans un
sourd gémissement les grosses bûches de fayard au centre de l'âtre,
pourpres sur leurs chenets de fonte grise… "
"
…Cet atelier aux murs de pierres traversés dans leur partie supérieure
par une multitude de poutrelles métalliques ressemblait à une
gigantesque toile d'araignée.
Nous rêvions tout éveillés au milieu de cet univers irréel de lumière
et de feu dominés par les cris aigus des poulies en bois à la gorge
plate et luisante polies par le frottement alternatif des courroies qui
claquaient tels des fouets à chaque tour de roue. Nous buvions par
toutes les pores de notre peau cette moiteur ambiante au-dessus de
laquelle planait ça et là une odeur de suif fraîchement échappée de
quelque axe de contrepoids ou de palan.
"
…
C'était notre monde à nous, notre domaine dont le gigantisme, loin de
nous apeurer nous rassurait presque car consciemment ou non,
l'insolence de notre enfance nous le permettait et nous étions fiers de
lui appartenir. Peu importaient les lourds chargements de gueuse à
haler avec nos chariots dont les quatre roues cerclées de fer
dérapaient régulièrement sur le pavé lustré par des années de manège
sur la plateforme.
Peu importaient les aboiements féroces du ringard lorsque, émerveillés,
éblouis par le ruisseau de feu qui jaillissait du creuset, nous
restions pétrifiés par tant de beauté au risque d'être calcinés par la
chaleur que dégageait au passage le métal en fusion. Ce tableau
surréaliste prenait une tout autre dimension au milieu de la nuit.
C'était hallucinant d'observer ce royaume d'or et de feu peuplé
d'ombres titanesques qui se découpaient au hasard des coulées,
glissaient furtives et silencieuses sur les murs, fuyaient
immatérielles devant des gerbes d'étincelles.
Peu importait que nous fussions aux portes de l'enfer, c'était le nôtre
profond et mystérieux, doux et surnaturel…."
Notes de lectures : "...La
mémoire de Jean glisse vers l'autre siècle où les hommes à
l'assaut du ciel cherchaient à féconder l'avenir. C'est le petit
peuple d'Hugo que Jean ranime. Celui des fonderies ou des barricades.
Sous la main de Jean, les mots sont rouges et noirs. Rouges comme
la flamme du rêve. Noirs comme le charbon et la douleur. Ici les
mots remuent...."
Michel Etiévent, écrivain
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" …Ma fois,
vos souvenirs m'ont captivé jusqu'au bout et je vous en remercie…J'ai
vécu de juin 43 à octobre 44 à St Pierre d'Allevard,
Goncelin, Pontcharra…un bien beau pays " Pierre
Magnan (écrivain)
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"...Ces
deux enfants prennent par la main le lecteur au bout du chemin. Cette
page d'histoire entre 1860 et 1872 est assurémént une période riche en
évènements. Ainsi nous retrouvons les activités industrielles locales
d'autrefois, du charbon de bois aux forges alors totalement décadentes,
un monde que l'auteur connaît bien...Et ce parfum d'antan ! C'était
tout juste hier..."
Vincent Wales (Dauphiné libéré mars 1999)
............................................................ "...Autant
de moments et de faits vécus qui vont toucher et marquer les enfants
sur les chemins le long du ruisseau de l'Alloix...Un ineffaçable
souvenir, le cérémonial immuable du cerclage des roues en
bois...Souvenirs puisés dans ceux des anciens du village, racontés
d'une manière particulièrement sincère, profonde avec des mots
ciselés dans une grande sensibilité..."
André Magnon (Dauphiné Libéré mai 1999)
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